ActualitéSociété

Santé : la Consommation des boissons frelatées, encore et toujours

Consommation des alcools frelatées au Burkina Faso


Sopal, Lion d’or, Roy, Score, Koutoukou, Gnamarou, Quimapousse, Visa ou leader, Flihter, Glambo, Gin, whisky, Red label, Épéron, Pastis, Stricker, Mangoustan, Vin, Bousculator et autres breuvages frelatés, sont les types de boissons que nous pouvons retrouver sur le marché. Malgré, la mesure du gouvernement burkinabè, qui a interdit l’importation et la vente des boissons frelatées dans le pays, force est de constater que le business continu au grand désarroi de la jeunesse et des populations qui se font un malin plaisir au risque de leur santé d’en consommer et de façon excessive. C’est un fait, la consommation des boissons frelatées tue. C’est un danger pour la santé des populations. Cependant, au constat, les populations notamment les jeunes, s’en donnent à cœur joie. Les boissons frelatées animent les journées de plusieurs Burkinabè.


Il est 9h30, ce 12 Janvier 2023 quand nous sommes arrivés dans un kiosque situé dans le quartier Dapoya. Dès que nous mettons le pied dans l’enceinte, les regards se figent. Nous sommes des inconnus donc silence. Ils nous observent avec méfiance. Qui sont ces gens ? Que veulent-ils ? Ce sont là, les questions que nous lisons sur les visages des uns et des autres. Tous sont silencieux. Personne ne veut dire un mot au risque de se porter préjudice.


De notre côté, nous prenons le soin de nous installer, et de commander deux boules de whisky avec le code qui va avec. Dès que nous avons passé notre commande, les visages crispés, se décrispent. L’ambiance silencieuse disparaît et le vacarme perdu à notre arrivée reprend.


Notre commande est un signal, ce sont des habitués de la dose même si nous sommes étrangers du kiosque. En nous prenant comme des professionnels du domaine, les langues vont se délier et nous allons pouvoir nous informer. Les discussions peuvent recommencer. Pour ajouter de la terre à la terre et accroître cette confiance naissante, nous demandons au barman de servir deux de nos voisins.


Quelques minutes plus tard, après avoir pris le soin de discuter et de mettre en confiance la troupe, un de nos voisins, que nous avons décidé d’appeler D.P, un ancien chauffeur dans une compagnie de transport en commun de la place se met à nous parler après qu’on lui ai demandé pourquoi cette consommation de boissons frelatées ? Deux boules de Pastis en plus et nous brisons le verre. Il raconte.
Tout d’abord, il nous remercie pour le verre « Merci beaucoup mon jeune frère. Que Dieu te bénisse », nous lance-t-il avant de poursuivre. « Quand j’étais toujours chauffeur, je pouvais effectuer 3 voyages dans la journée, 5h,16h et 20h. Nous rencontrons tous dans nos voyages surtout la nuit. Je quittais Dori à 20h pour Ouagadougou. Nous avons croiser toute sorte de chose sur nos chemins. J’ai déjà rencontré une poule et ses poussins sur la voie vers 23h. Tu sais bien que ce n’est pas ordinaire mais tu passes seulement sans crainte. Si tu n’es pas garçon tu ne peux pas faire ce travail. Il faut prendre la dose sinon c’est compliqué » relate-t-il tout en oubliant pas son verre de Whisky.


Pour lui, les boissons frelatées ont été et sont son échappatoire. C’est un moyen pour oublier ces différentes rencontres (les Djinns, fantômes etc.) et de faire face aux péripéties du voyage.
Il est 12h00, nous décidons de prendre congé de nos hôtes du jour. Avant de partir, nous avons pris soin de laisser un pourboire au gérant. D.P, nous sollicite une autre dose mais nous refusons de satisfaire à sa demande. Nous quittons les lieux, et nous prîmes la direction du quartier Tanghin.


A tanghin, nous avons usé de la même stratégie. Là-bas, Nous avons rencontré T.G, nom d’emprunt. Il nous dit : « Ça vaut 10 ans que je suis dans la consommation de ces boissons. À tout moment, j’essaie d’abandonner, mais avec les soucis, je n’arrive pas. Si le matin, je ne prends pas, ma journée est fichue. Donc à chaque fois, je suis obligé de prendre».


Alice dans le quartier Dagnoîn, une autre consommatrice de la dose selon leur appellation témoigne : « J’ai commencé à prendre ces boissons lorsque mon papa a perdu son travail. J’étais l’aînée de la famille, donc j’ai commencé à consommer les boissons frelatées. Je suis devenue dépendante de ces boissons, Cela m’avait affaiblie. Je pouvais passer 2 jours sans manger».


Dans le même quartier, nous avons rencontré O.P, un ancien consommateur des boissons frelatées : « J’ai arrêté parce qu’au début, je pensais que cela faisait oublier mes pensées. Tu te dis que ça t’empêche de penser à tes problèmes. Alors que quand tu consommes l’alcool et que tu reviens à la réalité, tu constates que le problème est pire qu’avant »


Parmi les consommateurs, beaucoup sont des élèves


Nous avons fait le tour des quartiers, le business est lucratif. Les kiosques refusent du monde. De nos observations, nous constatons que les jeunes notamment les élèves ne se font pas prier en ce qui concerne la consommation de cette substance. Ils s’y adonnent à cœur joie tout en ignorant le risque sur leur santé. Nous avons accosté quelques élèves mais aucun n’a voulu dire un mot.
Dans le quartier Dapoya, Tanghin, et Dagnoîn, à proximité des Lycées, il y a des points de vente des boissons alcoolisées. Au moment de la pause, les élèves y vont, et se font servir. A la question de savoir pourquoi, les barmans servent les jeunes sans savoir s’ils sont en âge de consommer de l’alcool, les barmans répondent : « c’est le business mon cher, on va faire comment? Nous cherchons l’argent »


Dans notre tournée, nous avons rencontré Noufou Nikiema, un Ouagavillois habitant le quartier Dagnoîn. Il accepte se confier à nous. Pour lui, c’est une réalité, les grands consommateurs des boissons frelatées, ce sont les jeunes et les élèves. Il ajoute : « Les boissons frelatées détruisent beaucoup la jeunesse africaine. Parce que la plupart des consommateurs sont les élèves. Tu te demandes souvent, est-ce-que nos enfants pourront gouverner le pays un jour, si cela persiste ».


Au vu de cette situation Noufou Nikiéma, demande aux « autorités de bien vouloir prendre des dispositions pour vraiment éradiquer ce fléau», affirmant avoir connu des amis qui sont rentrés dans la consommation de ces boissons frelatées et aujourd’hui certains ne sont plus « normaux » et d’autres n’arrivent plus à s’occuper de leur famille. Pour lui, si les jeunes continuent sur ce chemin, nous aurons des adultes irresponsables, improductifs et incapables d’être une force pour la nation.


Quelques instants plus tard, nous nous retrouvons au quartier Gounghin. Nous faisons la rencontre de Saydou Ganame, un journaliste. Lui, également va dans la même logique que Noufou Nikiema. Il dit : « Les boissons frelatées, elles nuisent beaucoup à la santé des jeunes ainsi qu’à leur productivité. Pour ce qui est de la santé, les médecins l’ont dit et redit, la consommation excessive d’alcool surtout à forte dose comme les liqueurs frelatées est dangereuse pour la santé. je ne conseille pas sa consommation car non seulement elle réduit l’espérance de vie mais aussi elle ampute la société de ses forces vives. Il faut amener les jeunes à prendre conscience de cet aspect des boissons frelatées».


A l’écouter, il faut que nous soyons lucide, que les autorités, les parents, la société, prennent le problème à bras-le-corps car les alcools fortes détruisent. Les points de vente se multiplient au grand désarroi de la jeunesse et de l’avenir du pays. La santé de notre jeunesse est en danger.


Cet état de fait est confirmé par Dr Abdallah Ouedraogo « les personnes qui consomment les boissons frelatées peuvent contracter plusieurs maladies comme les maladies cardiovasculaires et ceux du foie. On peut avoir aussi des cancers, des maladies infectieuses et psychologique. Ces personnes peuvent aussi être violentes, voici beaucoup de conséquences que les boissons frelatées peuvent entraîner» a cité Dr Abdallah Ouedraogo.


Selon Dr Oubda, Président Directeur Général de Nor-parfum, pour un être humain qui se met à consommer des boissons frelatées, le premier choc est psychologique. L’alcool va créer la dépendance. Ensuite, c’est physique, les fortes doses vident l’organisme de sa substance. « Les boissons frelatées si on les consomme, c’est pour s’auto-détruire. Les boissons frelatées te rongent le cerveau, il faut l’éviter à tout prix. Ces produits détruisent le cerveau, le système nerveux tout en entier et même le sang parce que cela détruit les globules blancs et si les globules blancs sont détruits, la personne va perdre du poids et même développer certaines maladies et cela va le ronger à petit feu. A un moment donné le consommateur devient une loque humaine»


Les raisons évoquées par les consommateurs de ces liqueurs sont les soucis, la détresse, la pauvreté, la misère, le chômage, le plaisir, la mauvaise compagnie.


Le gouvernement a bien tenté d’interdire la consommation des alcools frelatées. Par contre, malgré les arrêtés ministériels pour l’heure, le fléau n’a pas reculé. Rappelons que l’importation, et la vente des boissons frelatées sont interdites au Burkina Faso.


Cidric Guigma


www.bf1news.com

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page