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Le lévirat : une pratique aux antipodes de la modernité

Amina ZARE est une jeune femme burkinabè qui vivait en parfaite harmonie avec son mari Salif et leurs deux enfants Issouf et Sali, dans un petit village de Germa dans la région du Centre-Est. Puis un jour, la faucheuse lui arracha son bien-aimé. Alors qu’elle venait à peine de sortir de son deuil, la famille convoque une réunion importante : dame Amina doit se remarier avec le frère cadet de son mari, Issa. Face à la peur de se faire rejeter par la famille de son défunt mari et la pression de sa propre famille, elle cède malgré elle. Le monde de dame Amina va s’écrouler lorsqu’elle donne naissance à son troisième enfant. Ce dernier va l’abandonner avec ses enfants.

Amina va traverser une période de souffrance et de désespoir. Néanmoins elle va arriver à prendre son destin et celui de ses enfants en main. Elle a mis en place sa petite boutique et aujourd’hui, elle est autonome financièrement. Elle a donc décidé de mettre fin à cette union avec son beau-frère.

Ce que Amina a vécu s’appelle le lévirat. Au Burkina Faso, beaucoup de femmes sont victimes de cette pratique qui, consiste à un mariage entre une veuve et un parent de son défunt époux. Elle tire sa force de la religion et des coutumes mais, n’a aucun fondement légal.

Selon Dr. Madeleine KABORE, sociologue « les modes de transmission de l’héritage dans les sociétés qui pratiquent le lévirat peut inclure l’aspect humain en ce sens que les veuves font partie de l’héritage ». Si pour certains adeptes de cette tradition, c’est pour préserver l’héritage du regretté et perpétuer sa lignée ; pour d’autres, c’est pour maintenir la dot dans la famille du défunt. Ainsi les enfants issus du lévirat porteront toujours le nom du défunt mari. Mais de nos jours, cette justification peine à tenir le bout. Le revers semble être fatal pour la femme contrairement à ce que l’on pense.

En plus de son caractère rétrograde, le lévirat peut être source de désespoir et de regret pour la femme et ses enfants. À l’image de dame Amina, il arrive parfois que la nouvelle épouse et ses enfants ne soient pas les bienvenus dans leur nouvelle famille. Ces derniers sont maltraités et abandonnés à leur sort. Ce qui empêche les enfants d’aller à l’école par manque de moyens de leur mère. Dans certains cas, il peut arriver que le beau-frère convoite la femme de son frère de son vivant et comme celui-ci fait obstacle, il va l’éliminer pour atteindre son but.

Lorsque la femme le découvre, c’est le désarroi, la colère et la haine qui s’emparent d’elle. Cependant, la femme et les enfants ne sont pas les seules victimes dans cette affaire. Le lévirat peut être un danger pour le futur époux. Certaines femmes ayant perdu leurs maris à la suite de certaines maladies sexuellement transmissibles comme le SIDA, sont déjà contaminées. Avec ce mariage, elles vont contaminer leur nouvel époux qui va à son tour contaminer ses autres femmes.

Au Burkina Faso, le lévirat est en régression. La présidente de l’ONG Voix des femmes, Mariam LAMIZANA a déclaré en juillet 2014 que ‘’la pratique connait maintenant une baisse sensible dans certaines régions du pays’’. Cette baisse s’explique selon elle par ‘’la promotion des droits des femmes et la sensibilisation sur la pandémie du VIH/SIDA’’. Aussi, le code des personnes et de la famille interdit le lévirat dans le cas où le mariage est imposé par les familles. Les contrevenants encourent des peines allant de 06 mois à 02 ans de prison.

Malgré cela, la pratique perdure, faute de mise en application de cette loi. Ce qui n’est pas le cas pour certains pays voisins. Le Bénin pour sa part, a interdit totalement le lévirat et la polygamie le 17 juin 2004. Si malgré tous les efforts consentis l’on peine à lutter efficacement contre le fléau de nos jours, c’est bien parce qu’il est profondément ancré dans les croyances et répandu un peu partout dans le monde. En plus de certains pays africains, le lévirat est pratiqué aussi dans une partie de l’Asie, de l’Europe et par les amérindiens.

Sanata GANSAGNE

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