Sira n’a pas encore gagné l’Etalon d’Or mais, il a déjà gagné les faveurs du public. La première projection du film « Sira » d’Appoline Traoré en course pour l’Etalon d’Or de Yennega a eu lieu ce 28 février 2023 au ciné Neerwaya. Les Ouagalais sont sortis nombreux pour voir, le dernier chef d’oeuvre en date de la réalisatrice. Nous l’avons suivi et nous pouvons vous assurer avec notre regard de profane que ce film, vous téléporte, vous emporte et vous fait voyager. Tel un met, il est copieux et délicieux.
La bande annonce, nous a mis l’eau à la bouche, le film nous a conquis. Comme hier, nous avons pris notre engin, matériel de journaliste web en main pour aller voir « Sira », le film tant attendu par les cinéphiles Burkinabè. C’est l’un, sinon le long métrage, le plus attendu de cette 28ème édition du FESPACO. Mais avant de revenir sur le film proprement dit, revenons sur l’ambiance qu’il y a eu au Ciné Neerwaya, en cette soirée du 28 février 2023.
Les Ouagalais et le Festivaliers voulaient le voir à tout prix
Pour voir ce film Sira de Appoline Traoré, il fallait se lever de bonheur, sans quoi, il aurait été impossible d’avoir accès à la salle de projection. Nous sommes arrivés sur place à 19h00 alors que la projection du film était prévue pour la séance de 20h30.
Déjà à cette heure, nous avons pu constater l’ampleur de l’attente. Les cinéphiles sont venus nombreux. Nous avons estimé le nombre à plus d’une centaine à ce moment là. Alors que nous sommes à une heure de la projection. Interrogés, ils disent: le film est attendu par conséquent tout le monde veut le voir. Il faut être là tôt pour avoir une place. En plus, elle a gagné à Berlin, cela en dit long sur la qualité du film dit un autre cinéphile.
Au guichet, nous nous approchons, il est off. La ventes des tickets sont finies depuis 17h00, nous laisse entendre le guichetier. Ce soir, ce sera salle comble poursuit-il, tout en ajoutant que «c’est fort probable qu’il n’y ait pas de place pour tout le monde, on risque de déborder. La salle n’est pas aussi grande pour contenir le monde qu’il va y avoir. »
Une longue file d’attente pour voir le film
19h30, les cinéphiles prennent le rang. Il n’y a plus d’espace. Impossible de circuler convenablement. De l’intérieur à l’extérieur du cinéma Neerwaya, c’est bondé de monde. Nous avons eu l’impression d’être à Hollywood pour la première d’un film Marvel ou encore d’un film Disney. C’est fou de voir autant de monde pour un film, ais-je murmuré à mon voisin d’à côté.
Dans les rangs, les discussions fusent, on entend des murmures. Un cinéphile dit: « ce film, nous allons le déguster. La bande annonce, nous a fait rêver, j’espère que le film aussi va nous faire rêver.»
Il n’y a pas qu’un rang, ni deux rangs ni trois rangs mais quatre rangs pour ce qui concerne l’entrée guichet. Quant à l’entrée dédiée aux possesseurs de badges FESPACO, nous avons 3 rangs.
Pour avoir accès à la salle, c’était un parcours du combattant. Ça se bouscule, ce se marche dessus mais dans une ambiance bon enfant. Pendant plus d’une heure, les cinéphiles ont attendu. Ils ont patienté. Il ont pris leur mal en patience.
20h30, la salle est ouverte, les festivaliers ont enfin accès à la salle. En un claquement de doigt, la salle s’est remplie. Toutes les places sont occupées. Par contre, dehors, il y a du monde qui attend toujours. Que faut-il faire. Une solution doit être trouvée. Le monde qu’il y a dehors est supérieur à celui qui est dans la salle dixit un membre de la sécurité.
«La salle est pleine, ce n’est pas un problème » affirme un cinéphile. D’autres peuvent s’installer sur les marches pendant que certains resteront débout à l’arrière. Nonobstant cette idée, il y a toujours du monde. C’est alors que la sécurité présente pour la circonstance, déclare, il n’y a plus de place, la salle est pleine. C’est la déception du côté des cinéphiles qui ne pourront pas voir le film.
A ce propos, une cinéphile déclare, « tout ce rang pour rien. Ce n’est pas croyable.».Une autre poursuit, «si vous savez qu’il n’y aura pas de la place, il ne fallait pas vendre les tickets.» Nous étions dans ce lot mais à force d’abnégation et notre badge aidant, nous avons eu accès à la salle mais dans une position assez délicate mais assez convenable pour voir le film. Nous étions les derniers des derniers.
Le speaker décline son speech, salut l’assistance et lance, le film.
Salle Comble pour Sira
La bande annonce a mis l’eau à la bouche, le film nous a emporté.
21h00, avec 30 minutes de retard, le film commence. Ce fut une longue attente mais ce « n’est pas grave me dit mon voisin debout à côté de moi. Il faut juste voir le film» dit-il. C’est parti pour la découverte. Deux heures de voyage dans l’univers crée par Appoline Traoré.
Le silence s’installe, la concentration est de mise. Dès le départ, aux premières séquences, nous avons tout de suite senti que nous avons droit à un chef d’oeuvre cinématographique.
De la vie de Sira, l’héroïne, à sa captivité en passant par son viol puis sa révolte pour sauver des collègues captives, on a assisté à un film épique, un scénario élaboré, un jeu d’acteurs limpide, des scènes et des séquences croustillantes.
La séquence marquante, est celle de la torture de Kemi (Ruth Werner) qui a voulu dérober la clé de la 4*4 de Moustapha (Mike Danone) pour s’échapper. Que dire, de ses scènes d’abus sexuels envers les jeunes filles captives; ce sont des scènes qui ont côtoyées la perfection quoi que effroyables par moment. Cinématographiquement parlant, c’était magnifique.
Bref rappel sur le synopsis
SIRA, c’est l’histoire d’une jeune fille peulh et sa tribu qui traversent le désert pour se réfugier au village de son fiancé. En pleine traversée, les hommes sont violemment massacrés. Le chef du groupe, Yéré décide d’amener Sira pour s’être fait humilié par elle. Violée et abandonnée dans le désert, Sira se retrouve seule et découvre le camp des terroristes, dirigé par Moustapha, le meilleur ami à son père et Yéré son violeur. Entre amertume, désolation et vengeance, Sira décide de tout donner pour déjouer les plans macabres des terroristes.
Un décor majestueux
A voir le décor qui a été mis en place pour ce film, j’ai envie de dire « what a movie from Burkina Faso » (mais quel film !!!). La scénographie était représentative de ce qu’était un camp djihadistes. Le désert comme lieu de tournage a été une idée géniale. La disposition du camp des djihadistes était au delà du réalisme. Si, nous étions en littérature, je dirai que c’est de l’ordre du naturalisme.
Le casting pour habiller tout cela a été mené de main de maître. La technologie fait des merveilles pour qui sait s’en servir en y mettant les moyens et sur ce point Appoline Traoré n’a pas lésiné sur les moyens.
Le son, les images, les tons, les thématiques abordées, tout est fluide, magnifique, génial. C’est du cinéma pur jus. Le réalisme du décor est à couper le souffle. Nous avons eu vraiment l’impression d’être embarqué dans une zone de guerre où terroristes et civils s’affrontent. Nous avons eu une dose de résilience, un soupçon de guérilla, et une démonstration de l’importance de l’entraide, de la solidarité, de l’abnégation et du courage dans toutes les circonstances.
Une héroïne qui a su nous transporter dans son univers
Avant cet film, Nafissatou Cissé, Sira l’héroïne dans le film n’avait pas encore fait de cinéma à fortiori occuper un rôle principal dans un projet aussi colossal. Mais le casting a eu le nez creux en lui confiant ce rôle. Elle est juste une étudiante en marketing mais comme le dit MHD dans une de ses chansons, « le petit prince est devenu roi » et Nafissatou Cissé dans le rôle de Sira est devenue Reine. Elle a le truc comme nous avons coutume de le dire.
Elle a su incarner, ce rôle de guerrière, de combattante et de tenace. Elle a été capturée par des terroristes et violée. Elle est tombée enceinte et a mis au monde un garçon. Malgré, cette tragédie qu’elle a vécu, elle a réussi à revenir et à libérer ses soeurs, elles aussi captives des terroristes. Dit ainsi, cela à l’air simple mais dans les faits, c’est dur.
Cependant, Nafissatou Cissé a réussi à faire vivre sa rage de vaincre, son combat pour la libération, sa résilience, sa détermination et son courage face à l’ennemi. A travers elle, on a ce message qui dit, « bien vrai que nous sommes attaqués de toute part par les terroristes mais si, nous voulons gagner, cet effort passera par nous. Nous sommes les maîtres de notre destin, à coeur vaillant rien n’est impossible ». Tout au long du film, nous avons souffert avec Sira. Nous avons voulu qu’elle réussisse sa mission, qu’elle prenne sa revanche et qu’elle arrive à faire évader ses sœurs. Nous l’avons aimé et nous l’avons soutenu. Sira, c’est l’héroïne, non pas que du film mais c’est juste l’héroïne. L’héroïne que chacun de nous devrait être quand il est conforté à des difficultés.
Nafissatou Cissé est Sira
A côté de Nafissatou Cissé, nous avons Yeré, le chef bandit, le Big Boss du coin. Celui par qui tout passe. Le chef de la meute, le dirigeant sans vergogne, sans foi ni loi, le maestro des terroristes.
Dans ce rôle, Lazare Minoungou, nous a montré à quel point, il est un acteur immense. Là, aussi, le casting a eu le nez creux. Au sortir du film, il l’a dit lui même « ce rôle quand j’ai lu le scénario, je voulais le jouer et lorsque Appoline m’a annoncé que j’allais le jouer, j’étais heureux et je savais que je pouvais le faire. J’aime les rôles forts.
Pour nous, ce rôle, il était pour lui, il était fait pour. Il dit d’ailleurs après la projection « je pense que mon visage a été un avantage pour moi. C’est cela qui a joué et Appoline Traoré a décidé de me donner le rôle. J’ai été super fier car nous les artistes, on a besoin de ce genre de rôle, de ce genre de projet pour nous montrer, pour prouver notre valeur »
Ildevert Meda est Karim, dans Sira, Mike Danon est Moustapha dans Sira. Abdramane Barry est Jean Sidi dans Sira, Ruth Werner est Kemi dans Sira et Nathalie Vaïrac est Aissatou dans Sira. Toutes ses personnes dans leurs rôles respectifs ont donné au film, le beau, le merveilleux, la magie, la magnificence. On a souffert avec eux et on eu du plaisir à les voir réussir et s’en sortir.
Le réalisme du film et des acteurs sont à couper le souffle en témoigne les scènes de combat dans le désert. La contre attaque de Sira avec l’aide de Karim, l’infiltré de l’armée dans les rangs des terroristes.
La séquence de l’accouchement de Sira est un peu tiré par les cheveux
Aucune œuvre n’étant parfaite, des zones d’ombres existent dans le film de Appoline Traoré qui reste malgré tout un chef-d’œuvre. Il y a eu des scènes très intéressantes, vivantes et ultra réalistes dans le film. Cependant, la scène d’accouchement de Sira me laisse perplexe.
C’est une séquence difficile à faire mais la réalisation aurait pu s’adapter. Sira met au monde son enfant seule alors que nous savons que pour un accouchement, il faut une aide extérieure sans quoi l’un deux est susceptible de perdre la vie. La scène n’est pas assez réaliste à mon avis et c’est le bémol.
Par ailleurs, le développement du personnage de Sira a été bien fait par contre à partir de sa rébellion, il y a eu un souci majeur pour moi. Nous savons tous que l’art de la guerre, pour le maîtriser, il faut un entraînement acharné, un travail de titan, et une formation de pointe.
Toutefois dans le film, Sira a réussi à le maîtriser d’un claquement de doigt sans qu’on ait compris comment l’apprentissage s’est déroulé. Il y a eu sa rencontre certes avec Karim, le soldat infiltré, la réalisation aurait pu nous sortir des scènes d’entraînement, de self défense, de maîtrise des armes pour corroborer tout cela. Il n’y en a pas eu, et nous pensons que c’est un point négatif du film.
Appoline Traoré_Réalisatrice SIRA
L’un dans l’autre, Appoline Traoré a réussi à nous transporter dans cet univers. Le terrorisme a pris de l’ampleur dans nos cités et à travers des films comme SIRA, nous pouvons inciter au changement de comportement, renforcer la résilience des populations. A ce titre, au sortir de la projection, elle n’a pas manqué de faire montre de sa satisfaction, de sa joie et de sa fierté de voir autant de monde venir pour voir son film.
Elle le dit, «Lorsque nous sommes arrivés et qu’on a vu le monde qu’il y avait, cela nous a fait chaud au cœur. Pendant les projections, les réactions du public, qui applaudissent, qui se laissent bercer et transporter par le film, c’est une satisfaction énorme. Le public nous donne beaucoup et c’est notre devoir de leur donner du beau et du plaisir à travers nos films.»
En attendant, un sacre éventuel au soir de la cérémonie de clôture du FESPACO, Appoline Traoré peut être déjà heureuse. Son film est un succès auprès du public et pour une réalisatrice, c’est une grande victoire.
Saydou GANAME
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